Cette communication questionne l’emploi des notions de « transformation » et « d’écosystème » pour évoquer des enjeux sociaux relatifs à la modification des tâches, des statuts, des responsabilités et des contributions des professionnels de la formation. Elle vise à porter une attention aux conséquences politiques du choix des termes mobilisés pour évoquer les mutations mises en œuvre dans l’enseignement supérieur et la recherche.

L’argumentaire de ce colloque QPES plante bien le décor des nombreuses questions bouleversantes qui assaillent aujourd'hui l’enseignement supérieur. Parmi celles-ci, nous en retenons plus particulièrement deux, l’intelligence artificielle (IA) générative et la transition socio-environnementale (TSE), pour en faire l'objet du débat proposé. Prenant appui sur une expérience que nous conduisons actuellement dans le cadre d’un séminaire en pédagogie de l’enseignement supérieur et d’une formation de 3ème cycle (écriture de récits fictions, mise en débat avec la perspective de dégager des prises en compte pédagogiques de ces deux thématiques et de leur interrelation), nous proposons de partager et élargir ce débat lors de ce colloque QPES. Ce travail préalablement réalisé servira de base de discussion pour questionner la manière dont les thématiques de l’IA et de la TSE peuvent être appréhendées dans l’enseignement supérieur : quel(s) savoir(s) remettre en question ? quel(s) nouveau(x) savoir(s) élaborer ? quelle posture construire ? … Notre proposition de mise en débat vise deux objectifs : a) partager nos réflexions et les dynamiser grâce aux discussions ; b) partager notre méthode pour en faciliter la ré-exploitation dans d’autres contextes.

Depuis les années 1970, les universités ont dû s'adapter à de nouvelles réalités telles que l'émergence de nouvelles disciplines, la démocratisation des publics, et la numérisation des activités d'enseignement et de recherche. Malgré la reconnaissance de la nécessité de changement et les incitations aux transformations, les pratiques conventionnelles d’enseignement et d’apprentissage demeurent majoritaires. Cette soumission propose, à partir de travaux de recherches appuyés par une revue de littérature et des observations issues d’études de cas, de formaliser un processus d’écosystémisation des transformations pédagogiques qui s’inscrit dans un couplage structurel entre les sept sous-systèmes identifiés. La proposition heuristique élaborée rappelle la nécessité de reconfigurer les cadres d'action pour soutenir une transformation durable.

La transformation des pratiques pédagogiques est décrite comme un processus incertain et non linéaire, où les sous-systèmes se construisent et se renouvellent en interaction avec leur environnement. Ce processsus d’écosystémisation est défini dans cette proposition comme un processus autopoïétique, stigmergique et allostérique d’alignement et de reconfiguration systémique d’un état initial du système institutionnel en tenant compte de sa culture organisationnelle. L’écosystémisation ne résulterait pas d’un accroissement quantitatif des interactions intra et inter sous-systèmes mais de ’élaboration d’un sens commun suffisamment reconnu et accepté pour qu’il devienne une boussole transformative, ce cap partagé vers lesquels les sous-systèmes orientent leur actions. Ce processus nécessite une coordination indirecte et une responsabilisation des différents sous-systèmes qui suppose la création d'espaces de liberté et une rationalité floue qui prend en compte l'incertitude et l'imprécision dans la prise de décision.